Bernard Tanguy a déjà ses habitudes avec 1 Epok : souvenez-vous du « Classé X »... Quant à Frédéric Lo, c’est l’ami Florent Nesles qui a suggéré de le contacter : « Car il a plein de choses à dire… » Et pour cause : Lo a composé, arrangé ou produit pour Daniel Darc, Stephan Eicher, Alex Beaupain, Alain Chamfort ou encore les angevins de Pony Pony Run Run. D’aucuns parlent de « réseau ». A la rédac’ d’1 Epok, on appelle ça : « aller vers » et « aller voir »... L’idée d’organiser une conversation entre Bernard Tanguy et Frédéric Lo est devenue une évidence lorsqu’on a appris que le premier venait de bosser avec le second. Car, en marge de ses réalisations et scénarios pour le cinéma, Bernard Tanguy s’est remis à la musique : il a créé le groupe Hum Hum avec Sophie Verbeeck et produit l’EP Blueberries (Water Music), dans les bacs le 15 mars, avec la complicité de… Frédéric Lo. Hasard du calendrier : Frédéric Lo, lui aussi, sort un nouvel album. Intitulé Hallelujah ! (Water Music) - clin d’œil à Leonard Cohen -, il sera dispo dès le 15 février. Bref, bon tempo, parfait « timing ». Et c’est dans un salon de l’hôtel Grand Amour, rue de la Fidélité (ça ne s’invente pas) à Paris, que le duo Tanguy-Lo nous a donné rendez-vous…
1 Epok : Bernard et Frédéric, comment vous êtes-vous rencontrés ?
Bernard Tanguy : Nous sommes voisins. Nos enfants vont dans la même école. Je me souviens que Frédéric était toujours souriant, alors on a discuté… C’est comme ça que j’ai appris qu’il avait fait des musiques de films, qu’il réalisait des albums, qu’il avait un label. Alors quand j’ai fait les premières maquettes du groupe Hum Hum, que j’ai formé avec l’actrice Sophie Verbeeck, j’ai voulu avoir l’avis de Frédéric.
Frédéric Lo : On se connaît depuis 2010 environ et, je l’avoue, ce n’est jamais facile de dire à des proches ce que l’on pense de leur travail. Mais quand Bernard m’a envoyé Blueberries, j’ai tout de suite trouvé ça bien. C’est agréable d’entendre de bonnes choses. Bernard voulait des conseils, savoir comment ça se passe pour faire un disque… On s’est vus dès le lendemain et je lui ai dit : c’est ok. On y va ! Tout s’est enchaîné naturellement. Il était surpris. Car, faire un album, c’est comme faire un film : c’est un travail collectif. Autour d’une chanson, il faut une équipe et du temps. Les Beatles, c’était quatre garçons et une centaine de personnes qui travaillaient autour d’eux chez EMI…
1 Epok : Bernard, en marge du cinéma, pourquoi un retour vers la musique ?
Bernard Tanguy : Lorsque j’ai fait écouter à Julien Barthélémy, du groupe Stupeflip, la musique que je faisais il y a vingt-cinq ans, quand j’étais étudiant à l’Ecole polytechnique, il m’a dit : Tu aurais dû continuer… Alors je m’y suis remis. Ça a pris du temps. Puis, c’est tombé au moment où Sophie Verbeeck avait envie de rechanter. Elle voulait que je lui compose quelque chose… C’est parti comme ça.
Frédéric Lo (à 1 Epok) : Et vous, comment avez-vous rencontré Bernard ?
1 Epok : En 2008. C’était dans le cadre d’une enquête pour Psychologies magazine, sur les diplômés des grandes écoles qui font tout autre chose que la voie tracée une fois que l’on sort de l’X, Normale Sup’ ou HEC…
Frédéric Lo : Comme Alex Beaupain qui a fait Sciences Po… ou comme moi : j’ai une maîtrise d’informatique – orientée « traitement du signal » -, faite à Jussieu.
Bernard Tanguy : Je m’entends bien avec les scientifiques… Ils sont dans la recherche de la vérité, la quête de l’absolu pour arriver à une démonstration.
1 Epok : Au regard de cette première collaboration, avez-vous envie de retravailler ensemble ?
Bernard Tanguy & Frédéric Lo : Oui, bien sûr !
Bernard Tanguy : Frédéric a vraiment apporté quelque chose à notre travail avec Sophie Verbeeck : c’est dix fois mieux maintenant ! Un album d’une dizaine de titres est d’ailleurs prévu pour 2020.
1 Epok : Frédéric, pourquoi un album « perso », en solo, dix-huit ans après Les Anges de verre et pourquoi avez-vous embarqué dans l’aventure Stephan Eicher, Elli Medeiros ou encore Alex Beaupain ?
Frédéric Lo : L’envie de refaire un disque est venue petit à petit. Et j’ai voulu inviter, sur cet album, les quelques personnes qui avaient compté pour moi, jeune. C’était un bel hommage à tout le monde. Une façon de cimenter une cohérence. J’aime la création, mais moins son côté « ego ». J’aime le collectif. J’ai donc invité des personnes à ma table…
1 Epok : Frédéric, dans la chanson Cet obscur objet du désir, en duo avec Stephan Eicher, sur ce nouvel album Hallelujah !, vous dites : « Pour vivre aujourd’hui, il faut oublier le meilleur d’hier ». Etes-vous convaincu qu’il y a une vertu de l’oubli ?
Frédéric Lo : Je l’étais sûrement au moment où j’ai écrit ça…
1 Epok : Pourquoi avoir choisi l’hôtel Grand Amour pour cette conversation ?
Frédéric Lo : Il se situe à équidistance du quartier, où Bernard et moi sommes voisins, et de mon studio d’enregistrement. Et puis je suis venu plusieurs fois ici, pour boire des verres avec Benjamin Paulin, que j’ai produit.
1 Epok : Vous souvenez-vous du premier disque que vous avez acheté ?
Bernard Tanguy : C’était Animals des Pink Floyd. J’avais 13 ans. C’était mon premier 33 tours. Je l’avais acheté chez un disquaire de Saint-Brieuc, avec de l’argent de poche donné par mon grand-oncle qui pensait que j’allais m’offrir un disque de musique sérielle… C’est un album pour lequel j’ai de la nostalgie : je l’écoute toujours.
Frédéric Lo : C’était l’album des Wings, Wings at the speed of sound. J’avais 12 ans. Je me souviens aussi de mon premier concert : c’était Costello à L’Olympia, en 1978… A l’époque, ma sœur aînée écoutait beaucoup de musique et son petit ami était journaliste au Monde. J’allais à des tas de concerts avec eux et leurs amis : Antoine de Caunes, Philippe Constantin, Patrick Eudeline, Jacky…
1 Epok : Qu’avez-vous écouté ce matin, avant de venir ici, à l’hôtel Grand Amour ?
Bernard Tanguy : J’ai réécouté Blueberries…
Frédéric Lo : J’ai joué du piano.
1 Epok : Enfin, que vous inspire… le silence ?
Bernard Tanguy : J’ai toujours un fond musical chez moi, mais parfois je coupe tout et ça fait du bien.
Frédéric Lo : Dans une musique, il y a toujours du silence.
1 Epok aime : Cet obscur objet du désir, extrait de l’album Hallelujah ! de Frédéric Lo. Et Blueberries, extrait de l’EP éponyme de Hum Hum.