Journaliste et écrivain, Laurence Benaïm vient de signer une biographie de René Lacoste, à l’occasion des 85 ans de la maison au célèbre crocodile. Son ouvrage, illustré par Floc’h, se lit comme une histoire, comme une leçon de vie aussi. Rencontre avec une femme de mode qui parle d’un homme du monde. La conversation a débuté au Café du Trocadéro - où elle a commandé une omelette blanche -, puis elle s’est poursuivie au Café La Perle - où elle a bu un Coca zéro, avec Nostalgie en fond sonore -.
1 Epok : Jouez-vous ou avez-vous joué au tennis ?
Laurence Benaïm : Le tennis fait partie de mes phobies, comme pas mal de sports que j’ai commencé à pratiquer quand j’étais jeune et que j’ai vite abandonnés. Je pense à la danse, à l’équitation ou encore à la gymnastique, où je me faisais dispenser… Au tennis, je me souviens : je ne voyais pas la balle. Je ne me suis réconciliée avec le sport que bien des années plus tard, par le biais de l’eau.
1 Epok : Comme Clint Eastwood ou Serge Gainsbourg (en photo dans votre livre), portez-vous ou avez-vous porté des polos Lacoste ?
Laurence Benaïm : J’en ai. J’aime beaucoup ces polos. Mais il y aurait des choses à réinventer pour permettre de réexprimer ce que René Lacoste voulait transmettre avec ce vêtement.
1 Epok : Pourquoi avoir écrit une bio de René Lacoste ?
Laurence Benaïm : C’est une demande des éditions de La Martinière. Mais je l’ai acceptée tout de suite, car le sujet m’a intéressée. Je trouve que le nom de René Lacoste est évocateur d’une certaine liberté, d’une élégance, d’une attitude.
1 Epok : Ce qui vous a le plus attirée dans le profil de cette personnalité hors du commun ?
Laurence Benaïm : Il a à la fois la curiosité d’un enfant et l’exigence d’un homme mûr, qui cherche toujours l’excellence, que ce soit dans sa manière de jouer au tennis, d’inventer, de diriger. Avec lui, rien n’est impossible.
1 Epok : Avec votre œil avisé sur la mode - sur ceux qui la font, la défont et sur ceux qui la portent -, que diriez-vous de l’élégance de René Lacoste ?
Laurence Benaïm : Chez René Lacoste, le comble de l’élégance, c’est de n’avoir jamais considéré son insuffisance respiratoire comme un handicap, mais d’en avoir fait quelque chose d’extra-ordinaire. Ses angines à répétition, ses sensations de chaud et de froid, c’est ce qui l’a conduit à imaginer le polo… Ses ampoules aux mains, à force de jouer au tennis, l’ont également guidé vers l’invention de la pastille anti-vibration… C’est l’élégance du secret. Une élégance qui tend vers la noblesse.
1 Epok : Comment avez-vous travaillé pour cet ouvrage ? Avez-vous eu le nez plongé dans les archives de la maison Lacoste ?
Laurence Benaïm : En effet, j’ai eu accès à toutes les archives de la maison Lacoste, dont les carnets personnels de René Lacoste. J’étais en immersion totale. J’ai pu également rencontrer sa sœur, Catherine, et l’un de ses fils, François. Ensuite, pour ce qui est de la rédaction, j’ai voulu faire quelque chose de nerveux, évoquer cette personnalité en prenant du recul, en racontant une histoire. J’aime rentrer dans la tête des gens : j’ai donc essayé de reconstituer des ambiances familiales, amicales, des complicités. Cette biographie est pensée et écrite tel un récit.
1 Epok : Et le choix de Floc’h pour illustrer le livre, est-ce le vôtre ? Comment avez-vous travaillé avec lui ?
Laurence Benaïm : Une fois encore, c’est le choix de l’éditeur. Mais cela tombait bien, car j’admire le trait de Floc’h, lui-même autre signe d’élégance. Nous nous sommes rencontrés chez l’éditeur, puis je lui ai envoyé mes textes et il s’en est inspiré pour ses illustrations.
1 Epok : Le crocodile, ça évoque quoi pour vous ?
Laurence Benaïm : Le crocodile, c’est 11 millions de polos produits chaque année et un produit Lacoste vendu chaque seconde. Le crocodile, c’est aussi le logo dessiné par le graphiste Robert Georges, qui a su rendre le reptile fort sympathique. Ce logo transcende les décennies, comme le N°5 de Chanel, les lettres YSL ou le sigle de Nike. C’est comme un espéranto, c’est plus fort que tout.
1 Epok : Le mot de la fin…
Laurence Benaïm : Ce livre est avant tout un manuel de vie. Car René Lacoste, le tacticien, le technicien, n’a cessé de prodiguer des conseils en associant le langage du corps à celui de l’âme. Exemple : « Il faut savoir déborder l’adversaire avec un coup rapide et profond. » J’aime aussi sa vision du « toujours prêt » : « Dès que la balle est en jeu, même avant et après, il faut être sur la pointe des pieds, les genoux légèrement fléchis, pour pouvoir partir vite dans n’importe quelle direction. »
René Lacoste – Textes : Laurence Benaïm. Illustrations : Floc’h. Editions de La Martinière, 208 pages, 30€