Les fils de ses écouteurs dépassent de sa poche arrière de jeans. Il est en avance. Il retire son manteau, le pose sur le dossier d’un canapé du salon qui jouxte le lobby de l’hôtel Paradis, où il a donné rendez-vous. Il va chercher du café. « On commence, si vous voulez… » Il est comme ça, Adrien Gloaguen. Tout en spontanéité. Avec lui, pas de manières. Il est direct, efficace. « J’ai su dès le lycée que, plus tard, j’allais travailler en indépendant », raconte-t-il. Son premier job ? « J’avais 15 ans et j’étais vendeur dans un vidéoclub du 5e arrondissement. » Son bac en poche, il part bosser, l’été, dans une auberge de jeunesse à Londres. Là, c’est le déclic. « J’ai tout aimé : de la petite équipe de moins de dix personnes à l’atmosphère du lieu, en passant par les bières que clients et salariés buvaient à partir de 17 heures… » Ce sera son premier modèle d’hôtel idéal. Il va d’ailleurs plancher sur ce concept dès son entrée à l’EDC, une école de commerce parisienne, tout en multipliant les expériences notamment au sein de Relais & Châteaux. Car, c’est décidé, il sera hôtelier.
Fourreurs, bistrots de turfistes et nuit de noces à Ville d’Avray
A 25 ans, tout juste diplômé, il se met en quête d’un hôtel de 30 chambres à racheter à Paris. Il cherche durant un an, tout en étant veilleur de nuit et valet de chambre. Il trouve le Sophie Germain dans le 14e, rame pour convaincre une banque, ouvre l’hôtel en 2007, le positionne sur le Web et crée une dynamique suffisante pour faire s’envoler le chiffre d’affaires en un an. De quoi refaire alors peinture et déco. L’aventure du Sophie Germain va durer cinq ans. Fin de partie ? Comme au Monopoly, Gloaguen revend pour racheter. Cette fois dans le 10e, rue des Petites Ecuries. Nous sommes en 2011. Le quartier n’a pas encore décollé. Les fourreurs, boutiques de vaisselle et bistrots pour turfistes sont encore là. Mais le cuisinier Pierre Jancou a déjà posé les bases de son resto Vivant. Un signe pour Gloaguen. Il a raison. Suivront le réveil de la rue Martel, toute proche, et un article sur le renouveau du quartier dans les colonnes du New York Times. Le tout va remplir illico les chambres du Paradis, nom de l’hôtel de 40 chambres acquis par Gloaguen, qu’il ouvre en 2012 après une vague de rénovations menées par la designer et archi d’intérieur Dorothée Meilichzon. Flair ou chance ? Gloaguen a sans doute un peu des deux. Et quand il est sûr de son coup, il ne lâche rien : « J’ai signé l’achat du Paradis un vendredi de juillet 2011, le samedi, je me mariais et le lundi je devais être présent dans l’hôtel. Impossible de partir loin pour la nuit de noces. On est allés aux Etangs de Corot, à Ville-d’Avray. » Même pugnacité lorsqu’il a racheté, en 2013, un hôtel rue Geoffroy Marie, dans le 9e, ainsi que l’épicerie mitoyenne pour y créer un resto. Pour cette boutique, il est alors en compète avec les surgelés Picard... Du lourd, donc. Mais il sait convaincre vendeur et banquier. Résultat : deux ans plus tard, l’hôtel Panache voit le jour et sa cuisine est confiée au chef David Lanher.
Bonne Nouvelle, Auvergne et Los Angeles
Cette année, Gloaguen vient d’ouvrir un autre hôtel. Toujours un 3 étoiles, son terrain de jeu préféré. Il s’agit du Bienvenue, dans le 9e. Avec cour-jardin, resto de copains et bon rapport qualité-prix. La suite ? Il regarde tout, partout. « Il m’arrive de partir en week-end, juste pour tester un hôtel. » Il n’est fermé à rien. Londres, Bruxelles, un bord de mer… tout l’inspire pour ouvrir. Touche à tout, il a également imaginé une gamme de produits d’accueil baptisée Bonne Nouvelle : « On la trouve dans mes hôtels, mais aussi en Auvergne comme à Los Angeles ! » dit encore le fils du co-fondateur du Guide du routard, qui ne voulait pas que son père cite ses hôtels dans l’édition parisienne du bouquin. « Finalement, il l’a fait. Il a vu ça comme un coup de pouce. Même s’il précise, dans ses textes, que le patron de ces établissements est… une connaissance. »