Si on rame un peu, côté fric, dans la presse, on a encore quelques privilèges. Je ne parle pas de la ristourne sur les impôts. Ni de la carte de presse qui permet d’entrer gratis dans les musées, sans faire la queue. Je fais allusion à ces invitations qui remplissent chaque jour la boîte mails. Cocktails, vernissages, visites privées, soirées prisées… Hier, ça se passait au musée Maillol, rue de Grenelle, entre ministères et boutiques Paul Smith. L’agence The Desk proposait une « visite exclusive » de l’expo Pop Art - Icons that matter. Derrière « visite exclusive », il fallait comprendre : si vous arrivez à 18h30 pétantes, vous serez seuls dans le musée… Et je confirme : entre 18h30 et 19h16 environ, on a eu l’exclu des 65 œuvres sélectionnées pour cette expo menée avec le Whitney museum of american art de New York et dont on doit la scéno au designer Hubert Le Gall.
French Fries, Marilyn et chaise électrique
Salles vides, donc, mais murs revêtus de leurs plus beaux atours. Au menu : Roy Lichtenstein, Robert Rauschenberg, Jasper Johns, Allan D’Arcangelo, Mel Ramos, Tom Wesselmann, James Rosenquist… Sans oublier les images de « Papa Flash », alias Harold Edgerton. Et quelques installations en prime : on a aimé le plâtre d’un type assis sous un abribus, signé George Segal, les French Fries and Ketchup, version XXL, de Claes Oldenburg, tout comme sa vision du cendrier rempli de clopes… Le quotidien était alors source d’inspiration dans ces sixties teintées de liberté et de désobéissance. L’expo consacre d’ailleurs un mur au logo de la 20th Century Fox désacralisé par Ed Ruscha. Quant à Warhol, ses Marilyn, Jackie et autre chaise électrique occupent une pièce entière.
Bien-pensance, vague vegan et politiquement correct
Au fil de la visite, on navigue entre capitalisme dépité, décapité, société du spectacle, farces et attrapes… L’Amérique était en avance. Ses artistes aussi. Aujourd’hui, on bouffe toujours des french fries qui baignent dans une sauce vermillon sortie d’un tube. Mais plus personne ne met les pieds dans le plat. La bien-pensance est passée par là. Entre vague vegan et politiquement correct, même la sculpture LOVE de Robert Indiana, désormais dupliquée à l’infini, a été détournée dans de « jolis » intérieurs de couples « sympas », qui vous souhaitent de « belles » journées…
Expo Pop Art – Icons that matter, au musée Maillol : 59/61 rue de Grenelle, Paris 7e. Jusqu’au 21 janvier 2018.