« En deux mois, on va en récolter environ 150 kilos… » Là, on nous parle de champignons. De pleurotes très exactement. Nous ne sommes ni à la campagne, ni en forêt, mais au rez-de-chaussée de la Cité de la mode & du design, en bordure de Seine, en plein Paris. C’est ici, dans le cadre du festival #Ensemble !, que le designer Germain Bourré et Grégoire Bleu - « mes amis m’appellent le trappeur » - ont installé une étonnante champignonnière, dans laquelle il faut récolter chaque jour… « tellement ça pousse vite et bien ». Car tout un écosystème a été reconstitué ici, à partir de panneaux montés sur pivots, pour que les pleurotes se sentent comme dans un sous-bois. Humidité, luminosité, tout a été pensé pour inciter à la prolifération des champignons. D’ailleurs, c’est le job de Grégoire Bleu de faire pousser les pleurotes. Installé dans les Yvelines, il fournit aussi bien monsieur et madame tout le monde que les chefs étoilés Yannick Alléno ou Thierry Marx.
Tout le monde peut mettre la main à la pâte
En marge de la cueillette, un espace de la Cité a été aménagé pour recevoir gourmets et gourmands, le temps d’ateliers culinaires, voire artistiques autour du champignon. Car #Ensemble !, dont 1 Epok est partenaire, se veut festival « participatif ». Du coup, tout le monde peut mettre la main à la pâte. C’est le principe. Même scénario à l’étage supérieur, dans le grand foyer de la Cité. Là, chaque jour de la semaine, jusqu’au 27 août, les démonstrations culinaires s’enchaînent. Poisson, viande, pâtes, légumes… on apprend à tout manipuler, travailler, transformer, conserver... Le « menu du jour » est actualisé chaque matin sur le site de la Cité.
Fous de food, cantinières et culture rock
Aux manettes de cette initiation aux nourritures terrestres, deux fous de food : Lina Tornare et Germain Bourré, co-commissaires du festival #Ensemble ! . « Mon arrière grand-mère et ma grand-mère étaient italiennes et cantinières pour les enfants. J’ai une fille cuisinière de métier. Quant à moi, j’aime autant cuisiner que passer à table, partager, manger ensemble », confie la première. A la tête de l’agence IO, basée à Agde, elle cumule ingénierie culturelle et événements liés au comestible. Pour elle, l’alimentation, « c’est un espace de liberté ». « Ma génération est issue d’une culture rock : j’ai eu les cheveux bleus et j’ai été punk pendant six mois ! Aujourd’hui, je retrouve ces mouvements alternatifs dans l’alimentation. » Quant à Germain Bourré, ce blésois dit avoir « un pied dans la Loire et l’autre dans la Renaissance ». Formé à l’Ecole supérieure d’art et de design de Reims, où il enseigne aujourd’hui, il a travaillé cinq années aux côtés du designer Jean-Marie Massaud, avant de créer son propre atelier à Paris, en 2005. Si dessin et dessein le questionnent, « le traitement du vivant » l’inspire. Il se passionne autant pour le culinaire que pour le végétal : « Travailler les racines me permet de fouiller le sens profond d’une matière. » Aujourd’hui, avec la complicité de Virginie Guitard, designer et cuisinière passée par Masterchef, il accompagne aussi bien une marque agro-alimentaire qu’un chef étoilé ou un agriculteur.
Fin du plastique et chasse au gaspi
Retour aux installations de la Cité. Avec un mur de conserves, tel un garde-manger, recouvert de bocaux en verre Le Parfait. « Parce que c’est la fin du plastique et du gaspillage alimentaire », souligne Lina Tornare. Depuis le début juillet et jusqu’à la fin août, du chef étoilé à la cuisinière du dimanche, en passant par la mamie gâteaux et le hipster englué dans le sans gluten, tous sont invités à préparer des conserves dans des bocaux et venir les accrocher sur le fameux mur. A l’instar du chef étoilé Michel Troisgros, parrain de l’opération, qui a donné des radis roses et son père, Pierre, des cornichons. A l’issue du festival, on compte sur au moins 200 bocaux pour constituer « une vitrine vivante sur les pratiques intelligentes du mieux manger ensemble », explique Lina Tornare. Clou du spectacle : ces conserves feront l’objet d’une vente le 25 août à 15 heures, en présence de Michel Troisgros. L’argent récolté sera reversé à l’association Le Récho, qui se déplace à bord d’un food-truck dans les camps de réfugiés, afin de cuisiner pour et avec eux.