On le croise souvent seul. Dans la rue Dauphine. Sur les quais de Seine. Du côté du Palais Royal. Dans les allées du Luxembourg ou celles des Tuileries. Ce sont ses quartiers de prédilection pour marcher et faire son jogging. Philippe Vilain court tous les matins, paraît-il. Mais après quoi court-il ? Les jolies filles, les terrasses de cafés, des discussions entre copains sans regarder l’heure - il ne porte pas de montre -, un selfie avec Zlatan - si, si, il en a fait un -… En vrai flâneur, il regarde, observe, prend des notes. « Ça, ça va se retrouver un jour en page 42 », dit-il en surprenant un trait d’humour ou une phrase échappée d’une conversation. Car Vilain écrit et publie. Né en 1969, il a déjà à son actif une dizaine de romans, quasiment autant d’essais, quelques prix en prime et même un long métrage adapté de son livre Pas son genre. Discret, il n’étale jamais rien de ses trophées. Ce qui tranche avec certains vaniteux et autres précieuses ridicules du petit monde littéraire parisien.
Express, autofiction et « fille romanesque »
Installé au premier étage du Café de la Mairie, place Saint-Sulpice, le docteur en lettres modernes commande un express. C’est presque l’heure de déjeuner, mais libre comme l’air, il grignotera plus tard. Là, à cet instant précis, il est sur le point de dévoiler la trame de son prochain roman. Une autofiction. « Cette histoire m’est arrivée ». Avec « une fille romanesque », comme il aime l'appeler. On l’écoute. On le questionne. Il explique. Il s’explique. Le tout sous un autre œil d’observateur de la vie parisienne, celui de Roland Jaccard, assis sur une banquette voisine. Vilain baisse d’un ton. Il chuchote. Il se fait comploteur, le temps d’évoquer la fin de son futur ouvrage et ses hésitations du moment quant au titre possible.
Frivolité, Italie et grisaille hivernale
Fidèle en amitié, il tolère la frivolité de certaines, mais méprise les coups bas. Il s’amuse des suffisants et se moque des inconstants. Fan de l’Italie, il ne rate jamais l’occasion d’une conférence à donner ou d’une résidence d’écrivain pour s’y rendre. Surtout lorsque Paris se plonge dans la grisaille hivernale. Et la presse italienne l’apprécie. Au point de le pousser dans ses retranchements lors d’une interview sur le thème « l’amour est socialement raciste ». Pas sûr qu’en France, on le laisserait plancher et s’épancher sur ce sujet avec autant de facilité et sur plusieurs colonnes.
Foot, croque-monsieur, Twitter et folie
On est rentré au Café de la Mairie en plein jour, on en repart quand il fait nuit. C’est ça Paris l’après-midi. Un roman de Vilain, mais aussi du temps passé à parler foot, PSG, croque-monsieur, Twitter, folie, passion, mariage et enfermement, liberté et prix à payer. J’ai connu Vilain encore inconnu. Une quinzaine d’années plus tard, les éditions Grasset en ont fait l’un de leurs auteurs de référence. Une reconnaissance qui ne l’a en rien transformé. Il n'a toujours pas de télé, va voir les matches de foot au bistrot, vit en jeans et baskets, évite les dîners ennuyeux et cite Kundera.