Si on m’avait dit qu’un jour j’allais vivre des scènes dignes du film Les Arcandiers de Manuel Sanchez, je ne l’aurais jamais cru. Et pourtant, c’est arrivé. C’était mardi et mercredi. Mardi, place Monge à Paris. Mercredi, place Sainte Croix à Angers. Avec le même casting pour ces deux journées : trois déménageurs originaires de Bourges –les Arcandiers venaient de Nevers-. Et dans la famille berruyère, j’ai eu droit à la mère –ex marchande de bijoux qui, depuis, est passée en salle de muscu-, au père –fan d’Elvis- et au fils, Eddie –en hommage au grand Cochran, of course-. Et leur camion était raccord. Un petit camion –car ma vie tient dans 20 m3- à la gloire du King et estampillé « Côte d’Azur – Le Berry – Paris » : je veux le même ! J’avoue avoir mis une vingtaine de minutes à comprendre comment fonctionnait ce trio. Car Paris déphase, déforme, isole. Vingt minutes pour décrypter les codes et les comportements de ces visiteurs venus d’ailleurs. « Paris est une ville où l’on ne vient que pour travailler », a expliqué la mère à son fils, futur agriculteur. « Ça fait peur tous ces bruits de sirènes de police », lui a-t-il répondu. Bienvenue dans la capitale. Puis, je me suis mise au diapason. J’ai parlé berruyer : on oublie les formules superflues, on se cale sur le mode « brut de fonderie » et ça marche. On sympathise. La mère m’autorise à l’appeler par son prénom, Nadine. Le père, lui, reste un peu plus sur la réserve. Pas grave. C’est Nadine qui commande. On a refait le monde : un peu. Ils sont allés au bistrot, place Monge : deux fois. Puis, ils sont partis. Direction Angers. « Par les petites routes, car je déteste l’autoroute », précise Nadine. Comme les Arcandiers. Comme les héros des BD de Margerin, aussi. Epoque formidable. Et expérience sociologique fort instructive : on comprend subitement le fossé gigantesque qui peut exister entre Paris et certaines zones reculées de la France. Celles où le TGV ne passe pas. Celles que les jeunes désertent, comme on quitte une nana ou un type un peu trop étouffant. Celles où les politiques se contentent de venir serrer des mains en campagne électorale. Celles que les médias boudent. Excepté le 13 heures de JPP : merci Jean-Pierre Pernaud.