Faire un Paris-Bordeaux en TGV pour parler de l’orange. Pas du fruit, mais de la couleur. Une couleur commune à la maison Hermès, place Gambetta, et au Saint James, premier hôtel imaginé par Jean Nouvel, situé sur les hauteurs de la ville. La première se pare d’orange depuis toujours. Le second s’en empare depuis 1989 par petites touches : sur un tissu, un mur, une série de parapluies, un menu... La première l’adopte dans ses boutiques, sur ses emballages et jusque dans son HermèsMatic. Hermès quoi ? HermèsMatic, un drôle de nom pour une drôle de laverie. Car, ici, on ne lave rien, on surteint.
Curiosités, adresse décalée et bain coloré
Le flyer énigmatique qui a circulé dans les rues de Bordeaux pour annoncer l’ouverture, du 25 novembre au 3 décembre, de ce HermèsMatic a fait jaser, papoter et susciter bien des curiosités. D’abord parce que ce pop-up store se cache au n° 20 de la rue Bouquière, au cœur du quartier Saint-Paul, presqu’à l’angle de la rue… Saint-James. Une adresse un rien décalée de la place Gambetta : pavés et vie nocturne animée obligent. Ensuite, parce que cette laverie éphémère invite à plonger gratuitement ses carrés de soie dans des lave-linge vêtus d’orange, pour retrouver, 48 heures plus tard, ces mêmes foulards surteints en bleu jeans ou rose fuchsia. Magique manip’ et programmes qui tournent rond pour des carrés revisités et surtout uniques. Car aucun bain coloré ne se ressemble. C’est une question ce dosage, d’action, de réaction. Une valse en deux temps - teinture et rinçage -, avant un ultime slow derrière le hublot d’un sèche-linge.
Piqûre sellier, aspect rouillé et chef étoilé
Du marquage au sol - façon piqûre sellier - le long de la rue Bouquière, aux chaises, miroirs, portants, bassines et paquets de lessive du HermèsMatic, tout vire et chavire à l’orange. Comme l’aspect rouillé des pavillons du Saint James, à Bouliac, que Jean Nouvel - ancien élève des Beaux-Arts de Bordeaux - a souhaité calquer sur les séchoirs à tabac d’autrefois. Comme la parure du fauteuil Egg dessiné par Arne Jacobsen et choisi par Marie Borgel, la propriétaire de l’hôtel, pour trôner dans sa galerie principale. Comme le mur de briques devant lequel Nicolas Magie, le chef étoilé du Saint James, a pris la pose pour 1 Epok. Un cuisinier bien inspiré, qui convie ses producteurs le 18 décembre pour un marché de Noël ouvert au public, dans les jardins de l’hôtel.
Clichés, tambours et petits fours
Retour au HermèsMatic : à l’issue d’un bain rosé ou bleuté, les foulards ressortent métamorphosés. Ils racontent une autre histoire et témoignent d’une étonnante expérience, immortalisée par un duo de clichés de chaque carré, pris avant et après le passage en machines. Vêtues de combinaisons blanches, deux expertes ès couleurs conseillent telle teinture plutôt que l’autre, montrent les mille et une façons de nouer un carré, plongent les foulards dans les tambours prêts pour de grands tours. Pendant ce temps, Lionel - un ancien du Saint James - propose café, thé, petits fours salés, sucrés… car rien ne presse. Aucun stress, rue Bouquière. Le HermèsMatic a même accueilli un after work, emmené par une trentaine de Bordelaises. « Une soirée de filles », a confié une participante. Avec programme haut en couleur.
Kraft, verts tendres et bleus durs
« Il est prêt. » « Il », c’est le foulard, séché, surteinté, sans être dénaturé. Souple, doux, fluide et paré de ses nouveaux atours, il est plié et empaqueté dans une pochette en kraft. Prêt à être porté, emporté, transporté, transmis aussi, pour passer de nouveau de main en main, de mère en fille. « Il vous plaît ? » Il ne peut que séduire, quand son kaki d’origine a viré à l’indigo, les beiges au turquoise, les verts tendres aux bleus durs. Devenu pièce unique, le carré se fait singulier. A l’image des 60 portraits de personnalités, toujours accrochés sur les murs du Saint James. Elles le sont jusqu’au 1er janvier, alors que le HermèsMatic quitte Bordeaux samedi soir. Direction : l’ailleurs et l’inattendu. Les carrés poursuivent leur tournée.