J’ai pris rendez-vous avec elle via Facebook. Pas mon genre, pourtant. Mais j’avais lu certaines de ses chroniques dans Causeur et je trouvais la « gamine » brillante, pertinente. Je l’ai retrouvée au premier étage du Flore. A une table du fond, qui fait face à l’escalier, « pour voir les gens arriver », comme elle dit. Elle, c’est Marie Céhère. A 24 ans, elle vient de boucler un bouquin intitulé Brigitte Bardot, l’art de déplaire. « Quand j’étais petite, je voulais être danseuse étoile », dit-elle. Normal : elle a enfilé ses premiers chaussons à l’âge de 3 ans. Mais, dix ans plus tard, une vilaine entorse met fin à ce rêve de gosse. « Après, j’ai voulu être astrophysicien, médecin légiste… mais je n’étais pas bonne en maths. » En revanche, en philo, elle excelle. Son prof la repère. La guide. La conseille. Elle intègre une hypokhâgne au lycée du Parc, à Lyon. Puis, une khâgne, qu’elle repique. Normale Sup’ ? Elle se présente au concours. Mais le rate. Elle file en fac et s’inscrit en philo. En Master 1, elle planche sur Heidegger, puis plaque tout « à cause d’un grave problème de santé ». Re-Master 1 l’année suivante, « mais j’évite Heidegger ». Elle lui préfère la sophistique et L’anti-nature de Clément Rosset. « En fouinant sur cet auteur, je suis tombée sur une vidéo postée par Roland Jaccard sur Facebook ». Fascinée, elle amorce une correspondance virtuelle avec l’essayiste. Il joue le jeu. C’est le début d’une leçon de séduction qui va durer deux mois avant que l’étudiante ne prenne le TGV pour Paris. Jaccard a le triple de son âge, mais ils ne vont plus se quitter.
« Je suis partie avec un sac, une culotte et une brosse à dents »
Le duo signe un bouquin en commun, baptisé Une liaison dangereuse. Osé. Gonflé. Mais les deux complices se moquent des convenances. Elle passe pour une Lolita et même un sex-symbol dans une librairie libertine de Lausanne : elle en sourit. Il y a beaucoup de légèreté chez cette fille. Du recul aussi. De la maturité. « Je suis partie de Lyon du jour au lendemain, avec un sac, une culotte et une brosse à dents, raconte-t-elle. Dans le TGV, j’avais peur que quelque chose ne vienne in extremis compromettre ma décision ». Son choix de tout quitter : ses parents, sa sœur, ses amis et la fac, où elle n’a pas validé son Master. « Je le ferai plus tard ». Sur le quai de la gare de Lyon, à Paris, personne pour l’attendre. « Mais j’avais le code et la clé de chez Roland ».
Elle a ses entrées au FN et rend ses chroniques « à un communiste »
Depuis, elle écrit. Pour Causeur. Pour elle. Quant à sa participation à la cellule culture du Front National, elle voit cela comme « une expérience ». « J’apporte une expertise sur l’univers de l’édition. J’y vais pour parler de livres », poursuit celle qui ne vote que « de temps en temps » et rend ses chroniques « à un communiste ». Elle s’amuse de ceux qui veillent à lisser leur image à tout prix. Le consensus l’ennuie. Un parti pris qui l’isole. Alors elle a « adopté » les amis de Jaccard. « C’est dans la différence que j’ai trouvé des gens qui me ressemblent ». BB fait partie du lot, même si elle ne l’a pas encore vue « en vrai ». « Brigitte Bardot est ce que le XXe siècle a fait de mieux. C’est notre dernière rebelle. »
Brigitte Bardot, l’art de déplaire (éd. Pierre-Guillaume de Roux) : en librairie le 4 novembre 2016.