« Je suis un poulbot de la rue Lepic. Je suis né en face du Moulin de la Galette. Gamin, je voulais devenir électronicien : la science me fascinait ». C’est comme ça que Gérard Chevalier amorce le récit de sa vie, face à « un verre d’eau filtrée de la Seine », au Café de la paix. « Abandonné par mes parents, j’ai évité de justesse l’assistance publique grâce à ma grand-mère qui m’a élevé. Puis, elle a dû travailler comme garde-malade. Je suis donc retourné un temps chez ma mère et mon beau-père, tous deux alcooliques, avant d’aller en familles d’accueil. Je souffrais. Personne ne voulait de moi. Personne ne m’aimait. A 18 ans, j’ai pris des drogues et… ça allait mieux ». De sa vie d’ado, il se souvient du lycée de Bonnières, dans les Yvelines : « j’étais un cancre extra-ordinaire ! Sauf en maths, où j’excellais. J’avais aussi trois potes, avec lesquels j’ai fumé mes premiers joints. Nous étions en 1968, j’avais deux choix : soit finir en prison, soit prendre la route ». Il choisit la seconde option. Direction : Saint-Tropez, Hollywood -« j’y suis arrivé, après dix jours d’auto-stop depuis l’aéroport JFK, le 21 juillet 1969, Neil Armstrong venait de marcher sur la Lune »- ou encore Katmandou. « J’étais hippie. Je vivais en communauté. Les drogues rythmaient mes journées. Les Pink Floyd étaient mes dieux. Je sais qu’une photo de moi au Népal, entre chilam et gourou, se balade sur Facebook… » Epoque formid'.
Des nuits parisiennes à l’overdose de Cristina à Londres
De retour à Paris, il devient assistant des photographes Cyril Morange, Walter Carone, puis du réalisateur François Reichenbach. « Je sortais tous les soir ». Ses QG : la Coupole, où il partageait sa table avec Samy Frey et Patrick Dewaere, Castel ou encore la boulangerie Poilâne, « où je passais à 4 heures du matin pour les premiers croissants ». Un autre clan. Une autre famille. C’était aussi la haute époque des nuits à l’Elysée-Matignon, où il a croisé Noureev, Gainsbourg, Polanski… « Je vivais dans une bulle totalement utopique ». Puis, c’est le coup de foudre pour Cristina. Il part vivre avec elle à Londres. Durant cinq ans, le duo use et abuse de tout. Une descente aux enfers qui se termine en overdose pour la jeune brésilienne. C’est le déclic pour Gérard Chevalier : « je suis tombé dans un profond désespoir et en même temps je voulais rester en vie ».
« J’ai vue le sosie de Tess à une réunion des Narcotiques Anonymes »
Il part dans un centre de désintoxication. Pour une cure de cinq semaines. « Mais je me suis fait virer avant ! » Reste que le sevrage réussit. Pas de rechute depuis. « C’était il y a 33 ans, dit-il en vidant son verre d’eau de la Seine. En quittant ce centre, j’ai su que ma vocation serait d’aider les autres ». Les aider à sortir de la spirale des addictions. Aujourd’hui, multi-diplômé, il exerce en tant que integrative psychotherapist à Londres. « Je suis également l’un des fondateurs des Narcotiques Anonymes en France ». C’est d’ailleurs à une réunion des NA qu’il a rencontré sa femme. « C’était le sosie de Tess. Elle venait du Dorset et quand elle m’a présenté sa famille, j’ai enfin su ce qu’était une véritable cellule familiale ». Depuis, il en a créé une, lui aussi : « ma vision de la famille idéale ne se résume plus aux seules illustrations de Norman Rockwell. A mon tour, j’ai une femme, des enfants, une maison, une cheminée ».