Avec lui, le cul ne rend pas con. Au contraire. Il évoque l’histoire, l’art, l’histoire de l’art. Car Arnaud Thomasson exerce une profession rare -« je suis le seul en France »-. A savoir : « expert dans l’art du tabac, de l’opium et des objets érotiques », reconnu auprès de la très sérieuse Fédération nationale des experts en œuvres d’art. Et ça l’a pris très tôt : « à 14 ou 15 ans ». Non parce qu’il soulevait les jupes des filles à la récré ou lisait Sade planqué dans les toilettes, mais parce qu’il fréquentait les antiquaires avec sa mère. « C’est vrai qu’enfant, je voulais être détective privé, pour… manger des sandwiches ! » Comme Mike Hammer. Mais c’est bien en Droit à la Sorbonne qu’il s’est inscrit, une fois son bac en poche et les montagnes de sa Haute-Savoie natale « enfin quittées ». « C’était une époque –formidable-, où certains profs fumaient leur Gitane dans l’amphi », se souvient-il tout en lançant Der Kommissar, le tube de Falco, sur l’un de ses deux juke-boxes. Des machines qu’il a réussi à caser dans son micro appartement, sous les toits, au cœur de Saint-Germain-des-Prés. « J’ai toujours vécu dans ce quartier. Mon premier appart’ -une chambre de bonne- était à Saint-Placide ». Son premier job : « aux puces de Saint-Ouen ». Et son premier jour à Paris : « j’ai joué et perdu ma veste au bonneteau ».
Inspiré par l’insolence et l’insolite
Né en 1976, Thomasson parle de Jimi Hendrix, des Clash ou de Nina Hagen comme un vieux routard des années Palace. Blow Up l’a marqué, tout comme les tatouages de Steve McQueen dans Papillon. Inspiré par l’insolence et l’insolite, il peut dans le même quart d’heure préparer un café, réparer un briquet Dupont, sortir d’une vieille valise en cuir un 45 tours de Bowie, évoquer sa dernière vente à Drouot : la collection d’objets érotiques de Pierre Lescure. Célibataire, sans enfant, il parle d’« improvisation de la vie », de « quête de sens », de franches rigolades, de parties de jambes en l’air… sans jamais verser dans le vulgaire. Thomasson est un dandy. Un vrai. Il fait gaffe à ses fringues sans être apprêté. Il fume le cigare sans frimer. Entre élégance et nonchalance, subitement il balance : « en art comme en amour, il y a des faussaires ». Justement, avec les filles, ça se passe comment quand elles lui demandent ce qu’il fait dans la vie ? « J’esquive la question ou je leur dis que je suis… agent immobilier ». Quant à celles et ceux qui s’interrogent sur le parcours « idéal » pour devenir expert en objets érotiques, il répond : « il faut coucher. Car, un sujet, ça se travaille ». Evidemment, on sourit. Mais, dans son boulot, Thomasson n’a rien d’un dilettante. Les piles de bouquins qui s’entassent chez lui en témoignent. Il sait où se cache telle référence, tel ouvrage, telle image. Il connaît « ses » collectionneurs, qui dans leur majorité ne fument pas et ne sont pas non plus des accros au porno. Il les situe plutôt dans « une forme de marginalité ». Celle où le mot liberté a encore une signification. Celle où, à l’instar de chez Roland Barthes, les strip-teaseuses ne sont pas des bêtes curieuses, mais plutôt des « ouvrières qualifiées ».