Tout a commencé par une vue du port du Pouliguen, qu’il a postée le 14 juillet sur les réseaux sociaux. Florent Nesles était installé sur la promenade, à une terrasse de café, en train de lire Un barrage contre le Pacifique. « Cet été, j’ai lu Duras et Bukowski pour la première fois. Ça a été deux chocs », confie-t-il le 24 août, face à un Coca « normal » au Café des Anges, rue de la Roquette à Paris. Car l’ami Jules Gassot le sait bien : dès que je tombe sur une photo du Pouliguen, je m’intéresse à son auteur. Avec Nesles, l’échange a démarré en évoquant le bois du Pouliguen, cher à Yves Navarre et Jean-Claude Brialy. Puis, on a enchaîné avec le CNBPP, base nautique bien connue des voileux de la baie de La Baule. Nesles y a fait un stage avec son fils durant l’été. Pour ma part, c’est là, dans les années 1980, que j’ai appris à... prendre le large. En fouinant un peu sur le cas Nesles, je suis tombée sur son dernier album, intitulé Permafrost. Parce que la nature inspire ce citadin, ce Parisien qui aurait presque honte d’avouer son lieu de naissance. A savoir : Neuilly. La banlieue, un accident : « Mes parents vivaient dans le XIVe... »
Clef de fa, Lloyd Cole, punk et « pop indé »
Gamin, Nesles ne voulait devenir ni pompier, ni astronaute, mais... « faire comme Elvis Presley ». « Le jour de sa mort, j’étais en Angleterre avec mes parents. J’ai été fasciné par les images que l’on montrait de lui à la télé. » Coiffure, rouflaquettes, fringues, sueur sur le visage, stigmates d’excès en tout genre, puissance d’une bête de scène... tout du king lui a plu. Même si chez ses parents, profs tous les deux, « on n’écoutait que du classique ». Normal : son grand-père était le compositeur et chef d’orchestre Eugène Bigot. « Il a dirigé les Ballets suédois ou encore l’Orchestre radio symphonique de Paris (ancêtre de l’Orchestre philharmonique de Radio France)... mais je ne l’ai pas connu. Il est mort avant ma naissance. » Nesles passe donc par la case Conservatoire. Mais il s’en fait virer au bout de trois ans. Réfractaire à la clef de fa, il lui préfère la clef des champs. Très peu pour lui la pédagogie musicale à l'ancienne. Son premier 33 tours : « C’était Rattlesnakes de Lloyd Cole. Je l’ai acheté à la Fnac des Halles. Je l’ai toujours. J’ai même conservé le blister. » En parallèle à ses études de littérature anglo-américaine, il poursuit néanmoins la musique. Mais à sa façon. Il flirte avec le punk, la « pop indé », il monte des groupes. Puis il intègre l’Ecole nationale de la Rue Blanche. Une parenthèse de deux ans qu’il consacre au théâtre. Une formation qui va lui ouvrir les portes du cinéma et de la télévision. Mais il n’abandonne pas la musique pour autant. En groupe, puis en solo.
En première partie de The Apartments
Permafrost est le quatrième album de Nesles. Si les trois premiers ont été réalisés de façon très autonome - « si je me plante, je ne m’en prends qu’à moi-même » -, le dernier a été conçu avec le label Microcultures. « J’ai eu la même liberté que pour les albums précédents, avec le confort en plus de quelqu’un qui m’accompagne et avec lequel je peux échanger. » Le résultat : 11 titres qui content et racontent la nature. Une nature énigmatique mais attirante, parfois hostile mais enivrante. Nesles joue avec les mots et les images pour évoquer forêts, sentiers, cailloux, neige, fougères ou nénuphars. Ça suinte son goût pour l’écriture, la lecture : « Je ne passe pas une journée sans ouvrir un livre et je parle souvent littérature avec mon frère, prof. » Ce frère, c’est Christophe Bigot : normalien, prof de lettres en classes prépa à Janson de Sailly et romancier. Quant à sa musique, Nesles la résume en un mot : « Folk. » Le 16 septembre, il sera à la Maison de la poésie, à Paris, en duo avec Aurélie Foglia, « qui vient de publier Grand-Monde chez Corti, l’éditeur de Julien Gracq », souligne Nesles. Puis, le 17 octobre, il fera la première partie de The Apartments au Confort Moderne, à Poitiers. Ravi d’avoir été choisi, il sera seul en scène. Une scène qui guide ses pas. Une scène qui rythme sa vie.