On a cherché un lieu tranquille pour découvrir sa dernière mouture. On a renoncé aux bistrots, trop bruyants. Comme il est absent des librairies, on a pensé aux bibliothèques. Mais, l’hiver, celles-ci servent de refuge aux sans abri. Et puis parcourir le cru 2017 du Bottin Mondain à côté d’un SDF somnolent, à la BPI de Beaubourg, nous est apparu incongru, indécent. Alors on a pensé au lavomatic. Pour son calme - surtout à l’heure du goûter -, la douce odeur du Cajoline, la chaleur qui émane des séchoirs. Notre choix s’est porté sur celui de la rue Berthollet. Entre la rue Claude Bernard et le boulevard de Port Royal. Entre les étudiants d’Agro et les pompiers face au Val de Grâce. A peine installée dans la laverie désertée, j’ai eu le souvenir d’une confession du designer Christian Ghion quant à sa fascination pour le lave-linge : « Une fois qu’il est en marche, je vais regarder la machine tourner. C’est beau. J’aime ce mouvement de rotation. C’est aussi fascinant et captivant que de regarder un feu de cheminée. Je me prépare un café et, le temps de le boire, j’observe les mouvements du linge qui tombe, tourne, se mélange, le mariage des couleurs. Je regarde de quelle façon le linge va vivre. C’est souvent bien mieux qu’un programme à la télé ». On confirme.
Savoir-vivre, cadeau Bonux, diplomate et princesse
C’est donc là, au milieu des hublots, au rythme des tambours, que l’on a ouvert et découvert le dernier BM. J’entends d’ici les moqueries… Oui, c’est vrai, mon complice Comtesse n’avait jamais vu autant de gens portant son nom - en guise de titre - dans un même annuaire ! « Il y en a à toutes les pages ! » Au-delà de cet effet de surprise, le BM est une mine. Une source d’infos. Un outil de travail. Une référence. Son rappel de quelques règles de savoir-vivre et de bienséance devrait figurer, tel un cadeau Bonux, dans les couloirs du métro, à bord des TGV, dans les bureaux de poste, aux caisses des supermarchés... Plus kitsch : le BM décode les codes pour rédiger « formule de courtoisie » ou lettre de condoléances, appeler un diplomate, écrire à une princesse, employer la particule… Quant aux copines perdues de vue, on peut retrouver leur trace grâce à un classement « par noms de jeune fille » : malin, ce bottin. Plus inattendu et surtout beaucoup plus drôle : en lisant entre les lignes, on trouve la véritable identité de quelques curiosités, à l’instar de ce romancier qui a donné une consonance anglo-saxonne à son nom d’artiste - comme le font encore certains coiffeurs - et prétend avoir du mal à boucler ses fins de mois. En réalité - merci le BM -, il vit planqué, rentier dans les beaux quartiers. Le bottin se fait alors potins. Il prend des allures de Comédie humaine, révélant les vrais noms de faux gens. Une mine, je vous dis…
Fortune, prestige et « abonnés au fil »
Pour faire partie du gratin, il faut montrer patte blanche. Etre parrainé aussi. « La fortune ou le snobisme ne sont en aucun cas un critère de sélection », prévient-on au Bottin. Un bottin né en 1903. Il réunissait alors 12 000 familles parisiennes, choisies « sur des critères de prestige social, prestige du nom ou de la fonction ». C'était aussi le premier annuaire recensant « tous les abonnés au fil ». Qui a dit que les aristos avaient un métro de retard ? Aujourd’hui, le BM compte quelque 42 000 familles dans ses pages et son tirage flirte avec les 15 000 exemplaires. Enfin, on a aimé sa couverture pour 2017, signée par la maison Pierre Frey. Le BM se pare cette année d’un imprimé inspiré par une création de Janine Janet, réalisée en 1942. Le dessin original s’intitule… Zoo. Parce qu’on a le sens de l’humour chez les comtes et les comtesses !